Algerian Literature ll
Voix du monde
Littérature algérienne
« établissez la religion ; et n'en faites pas un sujet de division »
Coran, sourate 42, verset 13
Boualem Sansal est né en 1949 à Alger en Algérie.
Il est ingénieur de formation, il est titulaire d’un doctorat en économie, et professeur d’université, il devient chef d’entreprise et on lui propose un poste en tant que haut fonctionnaire au ministère de l’industrie, dont il démissionnera pour se consacrer à l’écriture.
Il est entré en littérature poussé par son ami Rachid Mimouni, écrivain en 1999 avec un premier roman «"Le serment des barbares"» qui eut un vif succès auprès des lecteurs, fut adapté au cinéma par Jorge Sempruns, sous le couvert d’une histoire policière, il dénonce l’Algérie des islamistes et de la corruption. Toujours il gardera un oeil critique et pertinent sur son pays l’Algérie, tout en s’exclamant : Je fais de la littérature pas la guerre.
L'auteur a l’avantage d’avoir connu la colonisation française, les défaites arabes de 1967 et de 1973 contre Israël, la chute du Shah en 1979, les guerres d’Irak de 1990-91 et celle de 2003-2011 ‘Iraqi freedom’ , la guerre civile 1991 en Algérie qui dura 12 années, celles de Bosnie-Herzégovine (1992-95), les guerres d’Afghanistan de 2001, le 11 septembre 2001 aux USA . L'Algérie a eu son printemps bien avant les autres, le 5 octobre 1988 qui fut appelé le « Printemps algérien » le printemps arabe en 2011-2012 a permis d’écrire cet opuscule, regorgeant d’éléments significatifs des intenses débats des uns et des autres durant ces années de guerre.
Hier dans une certaine société occidentale bourgeoise et intellectuelle, Il était une forme de bienséance que de ne pas faire de bruit en évoquant un personnage politique qui ne respecterait pas les droits de l’Homme, car en le dénonçant, la presse lui ferait plus de publicité et donc encouragerait la reconnaissance de ses idées.
Aujourd’hui, il est des silences coupables qui créent des lâchetés inavouables surtout si elles s’appuient sur l’ignorance flottante du commun des mortels sur fond de crise économique et financière ; de paranoïa collective à la recherche du potentiel ennemi déboulant dans votre environnement immédiat, trop d’information tue l’information ayant pour conséquence le lâcher-prise du lecteur.
Le silence des intellectuels est le vecteur le plus fort de l’islamisme. En écrivant " Gouverner au nom d'Allah ", Boualem Sansal a décidé de ne pas se dérober à cet exercice face à la dégradation générale des structures universitaires qui perdent leurs esprits critiques. Il participe depuis 7 ans à la Fondation Körber.
En occident la liberté religieuse est de mise, parce qu’elle s’instaure dans un contexte de la séparation de l’Eglise et de l’Etat depuis 1905 à l'initiative du député socialiste Aristide Briand; ce qui explique la lente prise de conscience face à l’importation de conflits religieux d’origine internationale, la vieille Europe a pour habitude de réfléchir avant d’agir.
Pour les Chrétiens, le « latin » était considéré comme la langue sacrée jusqu’à la réforme de Vatican II, qui la supprima afin que chaque fidèle puisse exprimer sa foi dans une langue maternelle, en réduisant les barrières de classes sociales. Le but était de rapprocher le fidèle de son créateur, une sorte de téléphone sans fil entre Dieu et son Eglise (l’assemblée des chrétiens) qui raviva la croyance en augmentant sa compréhension.
" L'entrée des langues et des cultures nationales dans la vie de l’Église ; la nouvelle figure adoptée pour évoquer l’Église ; la reconnaissance de la conscience au cœur de tout "croire humain" ; le dialogue quotidien avec des "croyants autrement" ; le courage d’aborder les grands problèmes de la vie humaine. Ces cinq points ont souvent été objets de conflit dans l’Église post-conciliaire. Ne nous en effrayons pas ! Il n’y a pas de transformation sans crise, sans un affrontement parfois difficile entre ceux qui ne voient que la beauté de l’héritage et ceux qui perçoivent d’abord les urgences de la réforme ."
Pour l'Arabie et le Maroc, le roi est un calife et aussi le guide suprême des croyants, gardien des lieux Saints. Hier, inconnu et persécuté, l’islamisme, issus des wahhabites, une secte minoritaire rejetée par les autres courants de l'islam, est devenu aujourd’hui un phénomène planétaire. Cet islam pensait le monde et tentait de le redessiner avec deux armes qu’il maîtrisait « la terreur et la prédication ». L’islam de « soumission et de récitation » qui avait opprimé le peuple au cours des siècles, est aujourd’hui exalté par les médias, et deviendrait un instrument de libération et de promotion extraordinaire.
Lors du printemps arabe, l’islamisme a su s’infiltrer dans la révolte populaire en usant de la démocratie, en la retournant à son profit.
« L’Islam n’étant pas encadré par un clergé, et ne disposant pas d’un Vatican, n’organisant donc ni conclave pour désigner un pontife, ni synode ni concile pour trancher sur les questions de dogme, il appartient à chacun de décider en fonction de sa lecture des textes religieux, des circonstances qui sont les siennes et de l’endroit où il se trouve ».
Ce manque de structure donne naissance à des écoles de pensées différentes, ayant elles-mêmes donnés naissances à des sous-groupes parfois plus sectaires. Selon l’école et le contexte historique, on enseignera donc la modération et la compréhension ou l’intolérance et la sévérité, la persuasion par le verbe ou la soumission par les armes, la coopération ou la séparation et le conflit.
L'islam est une foi, une pratique religieuse inscrit dans un mouvement sociale. L'aspect politique est très minoritaire. L'islamisme est une idéologie qui utilise l'islam à des fins politiques. La dimension politique est donc primordiale.
Néanmoins, le champ d’application de la loi islamique varie selon sa position géographique. Le credo semble parfois tourné vers un hédonisme purement matériel comme à Dubaï, où le shopping semble remplacer l’appel à la prière.
En voyageant, le musulman découvre d’autres obédiences religieuses, qui sont issues d’origines antérieures à la sienne. Il n’est plus tenu de suivre les prescriptions coraniques à la lettre, par contre il doit respecter en priorité les lois civiles érigées dans le pays où il réside.
Boualem Sansal est un auteur qui se pose les questions pertinentes : Quelle digue sera capable de contenir cet islamisme radical ? Quel islam de paix et de tolérance pourrait-il sortir des mosquées clandestines, échappant à tout contrôle et dont l’enseignement exercé sur des personnes en perte de repères ou en rupture avec leur société ? Dans le contexte anxiogène de la crise économique mondiale, quelle réponse « politiquement correcte » la démocratie européenne va-t-elle promulguer face à ces ravages ? Actions, réactions, silence, omissions, fournissent-elles des occasions de vrai débat ?
L’auteur va nous démontrer, exemples à l’appui qu’il est grand temps d’ouvrir un débat sur l’islam, que les textes doivent être étudiés, discutés, critiqués afin de faire évoluer une croyance dans le contexte de modernité où elle s’exprime. « Le mieux vivre ensemble » entre musulmans et non-musulmans, souffre de certaines incohérences dues à l’émigration et l’échec des politiques d’intégrations.
Le monde islamiste radical est mouvant et très actif, il se bricole au jour le jour et à temps plein, il évolue sans cesse, au gré des circonstances de la personnalité des dirigeants qui raisonnent d’abord en qualité de chefs de guerre, guide spirituel sourd au monde, résultant de la compétition historique entre différents courants religieux.. Autour des mosquées se déroulent d’âpres luttes de leadership, c’est un centre de pouvoir à multiples facettes, qui touche à l’économie, à l’éducation, à la politique et dont le monopole tire son financement de capitaux internes ou internationaux.
Ainsi cette organisation ressemble à une toile d’araignée tentaculaire qui comptent des d’adhérents dans le monde entier, mais l’auteur ne veut en aucun cas stigmatiser le simple fidèle qui se rend à sa mosquée pour prier et discuter des affaires de son quartier. L’humiliation est un levier puissant qu’il est facile de manipuler ; une population qui a longtemps été traitée comme des tiers-mondistes aspire à une nouvelle renaissance ...
« Il y a là, dans cette évolution, un processus remarquable de transformation du monde musulman, la fameuse Nahda qui fait rêver tous les musulmans depuis la fin de l’âge d’Or. Le concept de " nahda ", traduisible par « Renaissance », évoque la revendication de la liberté en littérature, l’émergence de l’idée de nation, la redécouverte d’un passé médiéval idéalisé, le conflit de générations et la crise de l’autorité, la prédominance du modèle constitutionnel en matière politique. Porteur d’une tension constante entre ouverture à l’autre et retour sur soi, entre libération et réaction diversifiée à l’«occidentalisation», il a aussi une forte composante identitaire.
« Il se dote d’une classe moyenne de haut niveau, dans toutes les disciplines et dans le domaine scientifique en particulier, qui lui a toujours fait défaut, ce qui explique qu’une révolution intellectuelle semblable aux Lumières en Europe n’a pas été possible dans l’univers musulman. La présence de cette classe sociale est une condition nécessaire pour produire les Lumières mais pas suffisante, il faudrait aussi qu’elle puisse s’autonomiser et entrer dans un processus de révision fondamentale de la pensée musulmane. Le fait est que deux démarches sont en cours : une démarche, très timide, vers les lumières modernes au sens occidental ( valeurs universelles ?) du terme et une démarche plus volontariste vers les Lumières islamiques.
Elles pourraient converger et se fondre l’une dans l’autre, mais cela ne semble pas possible, un principe d’antinomie que ni les uns ni les autres ne veulent ou ne peuvent lever, est à l’œuvre. On peut dire que, relativement à cette question, il se produit en ce moment un schisme colossal au sein du monde musulman, une partie rejoignant les valeurs universelles, l’autre tentant de réinventer et de ré-enchanter les valeurs islamiques de l’âge d’Or. Aucune ne semble pouvoir produire une pensée nouvelle, indépendante et des voies occidentales et des voies islamiques. C’est ce qui fait dire qu’au fond l’islamisme était d’abord une réaction contre les musulmans, ceux en particulier qui, depuis la colonisations s’éloignent peu à peu de l’islam et rejoignent les valeurs universelles, et ceux qui recherchent un islam moderne qui, selon les islamistes finirait par se heurter à l’orthodoxie et par s’en affranchir. »
La question reste posée :
« Mais quelle sera cette lumière qui guidera l’humanité vers sa vocation au sein de l’univers ? »
Maire-Christine Dehove po Frenchwritersworldwide.com
Voix du monde août 2014.
Directeur émérite de recherches au CNRS, Edgar Morin est l’auteur de nombreux ouvrages de sociologie (La Rumeur d’Orléans, 1969), de philosophie (La Méthode, Seuil, 1981-2006), mais aussi ( La voie, Fayard, 2011)
Tariq Ramadan est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford et directeur du Centre de recherches sur la législation islamique et l’éthique. Il est l’auteur, de Islam, la réforme radicale, Mon intime conviction, L’Islam et le réveil arabe (Presses du Châtelet, 2008 à 2011).
Mon texte n'est pas un traité académique, je ne suis ni historien ni philosophe, il n'est pas davantage une investigation journalistique, encore moins un rapport d'expert en islamisme, et pas du tout un essai d'islamologie. Il est la réflexion d'un témoin, d'un homme dont le pays, l'Algérie en l'occurrence, a très tôt été confronté à l'islamisme, un phénomène inconnu de lui jusque-là.
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Les croisades revisitées et la vérité sur Godefroy de Bouillon