A l'ombre d'une victoire, juin 1944
A l'ombre d'une victoire
de
Tanya Leroy
" Chacun de ceux que nous avons aimés
emporte avec lui un peu de notre secret"
©Jean Rostand
Mars 2003.
« Rueil-Malmaison, Chatou, Le Vésinet, les noms réveillaient des souvenirs confus et la voiture roulait vite. Maître Vicot tournait en rond dans son bureau. Il se répétait telle une litanie que ce n’était qu’une lecture de testament, qu’il le connaissait par cœur. Il avait été aux côtés d’ Hélène quand elle l’avait rédigé. Ils étaient assis côte à côte, dans ce même bureau, deux ans auparavant. Elle avait fini de recopier le texte qu’il avait préparé, puis avait tourné sa tête vers lui, et lui avait souri. La lumière du jour cascadait sur sa chevelure blanche, ses yeux pétillaient de malice, et lui, il l’aimait comme au premier jour. Un demi-siècle s’était écoulé, comment était-ce possible ? Cet amour tendre qu’il lui avait toujours voué, et elle l’avait aimé comme un frère. C’était mieux que rien. Ils avaient évolué ensemble, tous les deux, elle était restée belle. Ah ! Hélène pourquoi es-tu partie avant moi ? »
Laura et Jessica Harper, les deux américaines de Ringwood ( New Jersay), écoutèrent la lecture du testament rédigé en français. Dans un dialogue presque impossible, elles comprirent qu’elles venaient d’hériter d’une maison et d’une coquette somme d’argent sur un compte courant dont les deux sœurs pouvaient disposer pour effectuer les travaux utiles à la rénovation du bien immobilier.
Dans la vie les évènements prennent des tournures inattendues !
Il faut parfois accueillir le bonheur quand il se présente !
Pour son deuxième roman, l’auteur, Tanya Leroy, nous évoque une certaine idée de la transmission des valeurs humanistes, de l’hospitalité, de l’utilité des rencontres multiculturelles dans la nostalgie d’un passé commun.
A l’heure du passage au nouveau millénaire, où la jeunesse, éprise de nouvelles technologies s’impatiente pour avaler la mutation fascinante qui n’aurait comme objectif que la propagation d’un futur immédiat; cette fiction romanesque d’un héritage repose sur l’appréciation que le présent ne connaît pas toutes les réponses. Le présent pourrait être « enfermement » s’il ne se concevait qu’ouvert sur le futur ! Le meilleur fait-il toujours partie de l’avenir ?
L’auteur nous invite à nous distancier de nous-mêmes, et en cela les œuvres du passé peuvent nous y aider. La lecture des évènements, est en soi une valeur particulièrement fragile, elle nous amène à la compréhension du genre humain et au point de passation des valeurs.
A l’ombre d’une victoire, les heures du passé s’arrachent au passé auquel elles appartiennent, elles nourrissent le présent en changeant les cœurs et, en élargissent les liens entre les continents, il y a un dialogue autour de la signification du sens par-delà l’Histoire. L’auteur crée une relation entre les personnages qui dépasse l’assujettissement à l’Histoire.
« Victor quitta le passé et revint brusquement au présent, dans l’urgence et la lucidité de savoir que les années étaient effectivement passées, et que le temps était compté pour tous.
Cher Henry,
Si tu lis cette lettre mon ami, c’est que comme moi, tu es un vieillard, autour de tes quatre-vingts printemps, mais je suis sûr que les moments que tu as vécus ici à Chatou, sont à jamais inscrits dans ton âme, comme dans la mienne et dans celle du brave Vicot, qui vit encore lui aussi. Je sais que tu as refait ta vie loin de nous, vieux compère, toi qui ne rêvais que de rester en France pour boire notre bon vin et te perdre dans les yeux d’Hélène. Mais nous avons compris tes choix, la jeunesse n’est pas toujours entre nos mains et ce n’est parfois que trop tard que l’on choisit de la dompter, alors qu’elle n’est plus, cette traîtresse !
Je me suis perdu quant à la suite de ma lettre, que je vais donc achever. Inutile de te dire que j’habite toujours à Chatou, dans la même maison que tu appelais " la maison du gardien d’Hélène" A ce propos, je te jure sur tout ce que j’ai de plus cher au monde que j’ai essayé de mon mieux d’être le gardien de celle qui n’a jamais cessé de t’aimer. »
Les successions sont souvent l’occasion de révéler des secrets de famille.
Les secrets dissimulent des faits, des vérités, des actes qui sont imprégnés de regrets ou de souffrances occultées pour soulager une situation injuste ou inacceptable.
Ils se transforment en non-dits et se dissimulent de génération en génération dans un inconscient collectif inavoué. La résurgence d’un secret de famille dans la vie de sa descendance peut prendre plusieurs années jusqu’à trois générations parfois.
L’héritage d'un bien immobilier cache l’inconscient en ses murs, il offre aussi un chemin de libération vers l’identité retrouvée.
« Plus que tout, Hélène voulait que sa maison retienne à jamais entre ses murs leur complicité, le souvenir de leur amour et la chaleur de leur amitié avec Victor et Alain.
« Les trois compères » les surnomma-t-elle.
« On ne va quand même pas l’appeler notre ‘ poulain’ hein! Tu vas vu la taille de ce poulain ? riait Victor. « Il fait deux fois notre taille, même mis ensemble, hein Alain ! »
Les hommes riaient, mais les yeux d’Henry reprenaient toujours une expression grave, imprégnée de sa gratitude sans limite.
« Quelle importance les murs, Héleyne ? » sourit Henry
« Parce que je sais que notre bonheur est éphémère, ne me demande pas comment je le sais, mais je le sais. Et ainsi, quand ma mémoire flanchera et que mon cœur souffrira, les murs me rappelleront ces instants heureux auprès de toi. »
Pour toute réponse, Henry l’attira vers lui et l’enveloppa dans ses bras qui retrouvaient leur puissance. »
Tanya Leroy a une grande affection pour ses personnages, chaque geste, chaque regard, chaque baiser a un goût d’infini. Elle nous partage le ressenti du don de soi, de la force intérieure, de la passion…Le lecteur, les yeux humides, ne pourra être indifférent à cette écriture d’une bonté intérieure sincère, la solidarité dans l’éphémère, la gratitude dans le spectre de la solitude, des promesses sublimées dans la déchirure de la guerre, aimer comme si la fin du monde était prévue pour l’instant à venir.
Par la magie de ses révélations si lointaine, la découverte de leur racine, Laura et son mari Mark, affichent une réelle sérénité retrouvée, Matt, radieux, a bien changé, il veut rester en France, son nouveau pays d'adoption. Un enfant a toujours l’intuition de son histoire, si la vérité est dite, cette vérité le construit.
Cette belle narration met en évidence la vocation de tout homme, d’assurer une grande médiation de nos sociétés entre les vivants et les morts. C’est aussi l’occasion d’une nouvelle « nais-sens »…
Une surprise attend le lecteur en fin de lecture !
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Livre sélectionné pour le livre du mois de juin 2014.
Découvrir la biographie de Tanya Leroy
Son premier Roman " Les ailes de l'exil "
Marie-Christine Dehove pour Frenchwritersworldwide.com
le 6 juin 2014, 70ème anniversaire du débarquement.